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5 octobre 2007

La vieille maison

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Le train s'est arrêté dans un crissement métallique en gare des Tuilleries, dans la banlieue de Genève. Plusieurs jeunes gens, valises à la main, un peu perdus de se trouver là en sont descendus. Parmis eux, mon père..
Cela se passe vers la fin des années cinquante. Mon père a quitté le matin même son village natal du nord de l'italie, un de ces villages perdus au coeur du Piémont. Un décor digne d'un film de Dom Camillo...La même église, la place du village où les hommes assis aux terrasses des cafés, jouent aux cartes pour tromper l'ennui. Il n'y a pas de travail pour tout le monde là bas. Mon père a le coeur lourd, contrat de travail en poche, il a tout laissé derrière lui. Espérer une vie meilleure içi, et pourquoi pas fonder une famille...Mon père n'a pas trente ans.
Quand il évoque ses souvenirs, mon père a les yeux qui brillent, des années de dur labeur à confectionner des briques, l'enfer des fours, la vie en communauté avec d'autres compatriotes, le rascisme aussi. Dans ces années là, des cafés avaient placardé ce sinistre avertissement sur leur devanture:" interdit aux chiens et aux Italiens"... la Suisse, terre d'accueil et de toutes les libertés!
Quelques années plus tard, mon père a rencontré ma mère, et un an après je suis arrivé. Des gens fortunés cherchaient un couple pour s'occuper de la cuisine et du jardin. Ils ont étés séduits par ce couple et ce petit garçon qui souriait tout le temps...Voilà comment nous sommes, mes parents et moi, arrivés dans la Vieille Maison.
C'est là que j'ai grandi, c'est là aussi que j'ai vécu les plus belles années de ma vie, des moments terribles aussi...
La Vieille Maison est située à Grange-Canal, à quelques minutes d'içi où j'écris ces lignes. Une grande et noble batisse avec sa cour pavée, son pigeonnier, sa fontaine de pierre et son merveilleux jardin.
Nous vivions dans une petite pièce au rez de chaussée et une chambre au premier. Maman faisait la cuisine pour les maîtres de maison, et papa s'occupait du jardin quand il rentrait de son travail.
Le maître des lieux, un ingénieur à la retraite, m'emmenait parfois avec lui dans sa "coccinelle" faire quelques courses. J'étais si fier moi, assis à l'arrière, je ne pipait mot, regardant le monde défiler par la petite fenêtre sous le regard attendri de Monsieur C. Il est devenu un peu mon grand père de substitution, mes parents ayant perdu leurs parents jeunes, à l'exception d'une grand mère vivant à Milan. Je me suis très vite attaché à ce grand bonhomme qui, vu de ma hauteur me parraissait un géant...Un géant au coeur tendre. Ma petite soeur Christine est arrivée quelques temps après. La Vieille Maison avait le coeur en fête, nos jeux, nos cris, nos larmes aussi l'égayaient.
la cueillette des framboises et des groseilles, l'odeur de la confiture que ma mère brassait dans un chaudron de cuivre cabossé. Le bonheur pour deux enfants.
Les années, les saisons se sont écoulées ainsi, simples et tranquilles dans ce havre de paix Il y avait ce grand jardin fleuri qu'entretenait mon père ainsi qu'un potager et des arbres fruitiers où j'allais chaparder des cerises et des pires la saison venue. Les hivers en ce temps là n'étaient pas ceux d'aujourd'hui, il y avait de la neige...Que de batailles de boules de neige avec ma soeur, bonhommes de neige aussi...deux cailloux pour les yeux et une carotte, subtilisée en cuisine, en guise de nez et le tour était joué.
L'été mes parents nous emmenaient dans la famille en Italie. Un mois entier loin de la Vieille maison que j'aimais tant J'avais hâte d'y revenir, c'était là chez moi et nulle part ailleurs.Je me suis vite fait des copains, on faisait les fous dans les champs de blé et de colza qui entouraient la propriété, des bêtises aussi...autour de l'église St Paul...faire des frayeurs au curé, comme sil en avait eu besoin le pauvre, déjà âgé et malade... les enfants sont cruels.
En cette fin d'été là, quand le ciel devenait rouge vers la fin de l'après midi, quand la glycine qui serpentait le long du mur de la maison nous enivrait de ses parfums, j'allais moi sur mes six ou sept ans.
La vie a continué, j'ai grandi, l'école, les copains, les bêtises toujours...Jeux innocents.
Quand j'ai quitté ce coin de mon enfance, l'année de mes quinze ans, pour aller vivre avec mes parents dans un grand appartement à quelques pas de là, je savais que j'y laissais mon coeur.
J'y habite encore aujourd'hui dans cet appartement, à deux pas de mon père et des souvenirs de ma mère. En avril dernier j'y suis retourné dans la Vieille Maison...Pas seul non! accompagné de mon père, de ma soeur et de ses trois enfants, à l'invitation de la fille de nos anciens patrons.
J'ai revu le jardin, le grand peuplier qui agite son feuillage et taquine les cieux. Entrer dans la maison a fait briller mes yeux...J'ai senti près de moi une tendre présence...Le temps a passé et me revoilà...
Toute mon enfance était là! intacte, comme si je l'avais quittée la veille. Tout ce qui me paraissait immense autrefois, je le trouvais minuscule à présent...la fontaine, le pigeonnier, notre chambre...
la Vieille Maison s'est laissé cerner par le béton. La où vivaient des arbres, la ville est là! A la place des champs de blé s'élève un home, plus loin un immeuble résidentiel, là une place de jeux. Mais la Vieille Maison ne se laissera pas déraciner! Elle est classée à présent.
Avant de m'éloigner, j'ai repris mes esprits, j'ai cueilli dans le jardin un bouquet de jonquilles...
La Vieille Maison se souviens-t-elle d'un petit garçon qui l'aimait tant?...

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